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KINSHASA: FORUM NATIONAL SUR LA MISE EN ŒUVRE DU DROIT A LA REPARATION, 3 JUILLET 2025

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Thème : Réinsertion des enfants et jeunes démobilisés – une voie vers la réparation, la paix et la dignité

Excellence Madame la Première Ministre,

Très Distinguée, Madame la Première Dame,

Mesdames et Messieurs les Membres du Gouvernement,

Honorables invités,

Collègues, partenaires, amis,

Survivantes et survivants ;

Mes chères sœurs et mes chers frères !

C’est avec honneur et responsabilité que je prends la parole aujourd’hui, à ce Forum national de mise en œuvre du droit à la réparation, pour évoquer une question cruciale, trop longtemps restée à la marge : la situation des enfants et jeunes associés aux forces et groupes armés. Ces enfants, ces adolescents, ces jeunes, sont au cœur de nos responsabilités collectives. Leur sort interroge la justice de nos systèmes, la pertinence de nos politiques publiques, et la sincérité de nos engagements internationaux.

Je m’exprime ici à double titre : en tant que Coordonnateur national du Programme de   Désarmement, Démobilisation, Relèvement Communautaire et Stabilisation – P-DDRCS – et en tant que haut fonctionnaire international ayant servi dans plusieurs contextes post-conflits en Afrique, en RDC et d’ailleurs. Je parle avec l’expérience, mais aussi avec l’humilité de celui qui a vu, qui a vécu, sur le terrain, ce que signifient réellement les mots « réparation et réinsertion ».

Je parle également comme serviteur loyal de Son Excellence Félix Antoine TSHISEKEDI TSHILOMBO, Président de la République et Président du Comité de pilotage du P-DDRCS, dont la vision est claire : sans réparation des torts subis par les victimes de conflits, il n’y aura ni paix durable, ni reconstruction sociale.

Les enfants de la guerre : victimes avant tout

Mesdames et Messieurs,

La guerre en République Démocratique du Congo a fait de nombreux ravages.

Mais parmi les plus silencieuses, les plus profondes, il y a celles subies par les enfants. Recrutés de force, manipulés, utilisés comme boucliers humains, porteurs, espions, épouse de force et sans choix, esclaves sexuels ou combattants, ces enfants ont tout perdu : leur sécurité, leur famille, leur enfance.

Trop souvent, ils sont perçus non comme des victimes, mais comme des menaces. Pourtant, ce sont d’abord des enfants. Et chaque jour de silence à leur égard est une forme de déni   supplémentaire.

Ces enfants sont doublement victimes : d’abord de la guerre, ensuite de la paix. Car une fois les armes déposées, ils sont souvent rejetés par leur communauté, ignorés par les politiques publiques, absents des dispositifs de réparation. Cela s’appelle une victimisation secondaire, et c’est à cela que nous devons mettre fin.

L’expérience du P-DDRCS : deux décennies d’engagement

Depuis plus de vingt ans, le P-DDRCS et ses prédécesseurs accompagnent les Processus de démobilisation et de réinsertion dans plusieurs provinces du pays. Nous avons vu que la démobilisation seule ne suffit pas. Il ne suffit pas de désarmer un enfant, de lui remettre un kit de réinsertion, puis de le remettre à une famille parfois déstructurée ou réticente. Réinsérer, c’est réparer. C’est un processus de reconstruction profonde, psychologique, sociale, éducative, économique, cela de manière holistique et systémique.

Nos équipes ont accompagné des milliers d’enfants, garçons et filles, dans leur retour à la vie civile. Nous avons expérimenté des approches intégrées : centres d’écoute communautaire, médiation avec les chefs coutumiers, projets d’apprentissage informel, soutien à la parentalité, accompagnement psychosocial. Ces approches fonctionnent. Mais elles nécessitent du temps, des ressources, de la cohérence et donc une forte coordination.

À Uvira, nous avions vu comment un projet agricole intégré, développé avec l’OIT/IPEC/USDOL, a permis à des jeunes ex-combattants de reconstruire un revenu et une estime d’eux-mêmes. A Béni, les projets de travaux à haute intensité de main-d’œuvre couplés à des formations sur le tas ont montré qu’un encadrement pratique, enraciné dans la réalité, est plus pertinent qu’un retour forcé à l’école formelle, surtout pour des jeunes ayant déjà des enfants ou des responsabilités d’adultes.

Leçons fortes issues du terrain

Trois enseignements fondamentaux émergent de notre expérience :

Premièrement, la réinsertion échoue sans l’adhésion de la communauté. Trop souvent, les enfants démobilisés sont stigmatisés, perçus comme des dangers ou des porteurs de malédiction. Il faut préparer les familles, former les enseignants, associer les leaders religieux et traditionnels. Il faut du dialogue, de la médiation, de la pédagogie sociale.

Deuxièmement, les filles ex-recrues sont les grandes oubliées des programmes. Beaucoup ne sont jamais identifiées comme ayant été associées aux groupes armés. Elles sont classées comme  » épouses de.. » ou simplement comme « mauvaise fille… » ou assimilées à des victimes de VBG, sans accès aux dispositifs DDR. Cela doit changer. Il faut des réponses spécifiques : équipes d’accompagnement féminin, structures de soins sensibles au genre, dispositifs de protection adaptés.

Troisièmement, la réinsertion doit être économique. Un enfant réinséré sans moyens de subsistance est un enfant exposé à la rechute. Offrir un métier, une formation pratique, un accompagnement à l’auto-emploi est une condition de stabilité. Une carte d’identité, un certificat de formation, un outil de travail : voilà des actes de réparation concrets.

Des pratiques qui inspirent, des résultats à consolider

À travers l’Afrique et le monde, de nombreuses bonnes pratiques ont été documentées. C’est le cas :

  • Du mentorat entre anciens enfants soldats qui a permis de réduire le taux de rechute.
  • De l’inclusion dans les programmes de leadership jeunesse a renforcé l’estime de soi et le sentiment d’appartenance.
  • De la réinsertion rurale via des coopératives agricoles a permis une stabilisation post-DDR.
  • Et enfin des ‘’ maisons d’écoute ‘’ communautaires, soutenues par le P-DDRCS, ont été un levier de réconciliation et de suivi psychologique.

Mais ces modèles, souvent pilotes, doivent désormais changer d’échelle. Nous devons passer d’initiatives fragmentées à une politique nationale intégrée.

Un lien essentiel : réparation et réinsertion

Permettez-moi d’insister sur ce point fondamental : il n’y a pas de réparation sans réinsertion, d’abord et de réintégration holistique avec base systémique. Il ne peut y avoir de réparation symbolique sans une réparation matérielle et sociale. Redonner une voix à ces enfants, reconnaître leur souffrance, leur offrir un parcours d’avenir, c’est cela, la vraie réparation.

Le FONAREV, à ce titre, peut devenir un levier décisif. En inscrivant la réinsertion des enfants démobilisés comme une modalité spécifique du droit à la réparation, nous ancrons cette démarche dans une logique de justice, et non de charité. Nous faisons de la réinsertion un droit – droit imposable à tous, et non un privilège.

Défis persistants, leviers disponibles

Les défis sont connus : sous-financement chronique des programmes de réinsertion, absence de suivi à long terme, lacunes juridiques concernant la non- judiciarisation des enfants ex-combattants, stigmatisation sociale tenace. Mais les leviers existent aussi : une stratégie DDRCS robuste, des partenaires techniques mobilisés, une volonté politique affirmée.

Nous devons renforcer la coordination entre les acteurs – protection de l’enfance, justice, santé, éducation, formation professionnelle et/ou apprentissage des métiers – pour une approche réellement holistique. Nous devons inscrire la réinsertion dans les systèmes publics, éviter les programmes parallèles, capitaliser sur les structures existantes. Voilà pourquoi, le P-DDRCS, sous le leadership de Son Excellence Judith SUMINWA TULUKA, vice- présidente du Comité de Pilotage du P-DDRCS travaille avec tous les ministères sectoriels pour trouver des réponses institutionnelles. Nous avons signé le protocole d’accord stratégique avec le ministère de la Formation professionnelle, érigeant ainsi la formation en domaine de souveraineté nationale. Les mêmes efforts se poursuivent avec la santé mentale (ministère de la Santé) et bien d’autres, y compris le FONAREV bientôt.

Recommandations stratégiques

À la lumière de tout ce qui précède, je formule, les recommandations suivantes :

1. Intégrer explicitement les enfants et jeunes démobilisés dans le cadre stratégique du FONAREV, avec des budgets dédiés.

2. Mettre en œuvre une réparation holistique, comprenant le soutien psychosocial, l’accès à l’éducation et à la formation professionnelle, la réinsertion économique, et la reconnaissance identitaire, etc.

3. Accorder une attention spécifique aux filles ex-recrues, avec des programmes adaptés à leurs besoins spécifiques.

4. Instaurer un mécanisme de suivi post-réinsertion sur une période de 3 à 5 ans.

5. Renforcer la coordination entre les institutions nationales et les partenaires techniques autour d’un plan intégré.

6. Promouvoir les pratiques communautaires de réconciliation et de soutien local.

7. Aligner toutes les interventions sur les normes minimales internationales de protection de l’enfance, notamment la norme 11.

8. Créer un cadre légal clair garantissant la non-judiciarisation des enfants démobilisés.

Conclusion : réparer, c’est prévenir

Mesdames et Messieurs,

Réparer un enfant de guerre, c’est prévenir la prochaine guerre. Réinsérer un jeune, c’est désamorcer une bombe sociale. Chaque enfant réinséré est un levier de paix. C’est une citoyenneté retrouvée. Une dignité restaurée. Une société renforcée.

Notre génération n’a pas le droit d’échouer. Nous ne pouvons pas permettre qu’une autre génération d’enfants grandisse dans la haine, le rejet et l’oubli. Le P-DDRCS, avec ses partenaires, est prêt. Prêt à faire de la réinsertion une cause nationale. Prêt à inscrire cette démarche dans le registre de la justice et non de l’urgence.

Je vous invite, toutes et tous, à vous joindre à cet engagement. Faisons en sorte que plus aucun enfant associé à un groupe armé ne soit laissé derrière. Donnons- leur non seulement une voix, mais une place, une identité, un avenir.

Offrir une réparation juste, c’est non seulement guérir des blessures invisibles, mais aussi prévenir les conflits futurs.

Je vous remercie.

Professeur Jean de Dieu Désiré NTANGA NTITA, PhD.

Coordonnateur National du P-DDRCS

communication pddrcs

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P-DDRCS

L'objectif étant d'informer la population de la province du Tanganyika sur le plan opérationnel provincial du P-DDRCS (Programme de désarmement, démobilisation, relèvement communautaire et stabilisation) en vue de son appropriation.

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